Changer le regard

Marilou Hircq est ingénieure d’étude à l’Unité Mixte de Recherche Écologie des Forêts de Guyane(UMR EcoFoG). Elle est en charge de la partie sciences participatives et « fourmi » du projet Biodiversité Urbaine de Guyane (BUG). Marilou a accepté de répondre à quelques questions de Com au carré.

Est-ce que tu peux nous expliquer quel est ton métier ?

Je m’occupe de l’aspect communication et mise en réseau (création du site Internet du projet, appel à participation auprès des établissements scolaires, prise de contact avec les enseignants), de l’aspect pédagogique (création du matériel pédagogique et réalisation d’interventions en classe), de l’identification des spécimens de fourmis en laboratoire et du traitement des données (cartographie notamment).

C’est un super métier, aux activités très variées entre science et pédagogie, qui me permet d’aller « sur le terrain » dans toutes les communes de Guyane, mais également d’avoir des moments « labo » et traitement de données.

Est-ce que tu peux nous parler de ton cursus ?

Je n’ai pas un cursus très linéaire. J’ai d’abord fait un Master en écologie végétale à Montpellier. Durant ce master, j’ai pu être technicienne de terrain à Hawaï en marge duquel je menais un projet de recherche personnel sur la prédation des graines. Ce travail et ce projet m’ont confortée dans l’idée que j’aime énormément la recherche et le terrain en milieu tropical.

Attirée par la pédagogie, suite à mon Master, je suis partie en Serbie pour un service civique. J’y ai sensibilisé les scolaires et le grand public aux questions de recyclage et de gestion des déchets. Puis, je suis venue enseigner en Guyane. Une expérience très enrichissante. Je suis tombée amoureuse du territoire !

J’ai aussi réalisé que j’avais besoin de davantage de « science » dans mon métier. Je suis partie travailler comme animatrice-écologue dans l’association E4 à Marseille. J’enseignais auprès de BTS et faisait des animations scolaires et grand public en parallèle d’expertises myrmécologiques. C’est à ce moment-là que je suis « tombée » dans les fourmis !

Le projet BUG cherchait alors une personne à l’interface entre science et pédagogie… Vous connaissez la suite 😉

Quelle partie de ton travail préfères-tu et pourquoi ?

Collecte de fourmis dans une cours d’école

J’adore parcourir le territoire à la rencontre des classes qui m’ont toujours réservé un accueil très chaleureux. J’aime aussi les moments plus calmes en laboratoire pendant lesquels je découvre parfois des espèces que je ne connaissais pas.

Cette question est vraiment difficile. La « partie » que j’aime dans mon travail est justement le fait qu’il soit varié.

En fait, chaque partie embellit les autres. Comme elles sont variées et s’alternent, je n’ai pas le temps de m’en lasser et je suis toujours très heureuse de passer d’une activité à l’autre !

De quelle réalisation es-tu la plus fière ?

En laboratoire, les spécimens sont triés, identifiés y compris grâce à leur ADN et intégrés aux bases de données existantes.

Je ne sais pas si c’est de la fierté, mais en tout cas je suis toujours très heureuse quand j’entends des jeunes qui, à la fin des interventions, me disent qu’ils veulent aussi devenir « chercheur de fourmis » ou quand des enseignants me racontent que maintenant leurs élèves vont observer les fourmis pendant les récréations et qu’ils regardent différemment la cour de l’école. Je me dis que je sème de petites graines dans la tête des élèves et qu’elles finissent par germer. Sans forcément parler de devenir chercheur, rien que changer positivement le regard d’une personne sur son environnement c’est une petite victoire !

Qu’est-ce qui t’as le plus frustré ?

Ma plus grande frustration est que le projet se termine déjà alors qu’il y a un super réseau d’enseignants intéressés et motivés qui aimeraient poursuivre l’aventure l’année prochaine. Mais nous espérons pouvoir mettre en place un projet similaire dès que faire ce peut.

Comment imagines-tu la suite du projet BUG ?

Idéalement, il faudrait que les interventions en classes puissent se poursuivre. D’une part pour continuer à amener les élèves à observer leur environnement proche et à découvrir le monde incroyable des fourmis ; d’autre part, pour poursuivre ce grand état des lieux des fourmis de Guyane et mettre en place un suivi des zones dans lesquelles il y a des espèces exotiques qui pourraient être préoccupantes.

Les financements sont malheureusement souvent assez limités. Il peut être compliqué d’embaucher quelqu’un à temps plein pour ce travail. Mettre en place un réseau d’enseignants motivés et formés pour poursuivre ces activités pourrait être une bonne alternative, maintenant que tout le matériel pédagogique est créé et que les bases du projet sont posées.  

Quelle est ta fourmi préférée et pourquoi ?

Ma fourmi préférée est la fourmi tortue (Cephalotes atratus). Les fourmis de ce genre ont très souvent des têtes aux formes très surprenantes que je trouve très belles.


Le projet BUG (#GY0024253), porté par le CNRS pour l’Unité Mixte de Recherche EcoFoG, est financé par l’Union Européenne. L’Europe s’engage en Guyane avec les Fonds européens de développement régional.

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