Zoom sur les polyphénols

La durabilité naturelle d’un bois est sa capacité à résister à l’attaque de champignons lignivores[1] et d’insectes en l’absence de tout traitement protecteur. Cette propriété est liée à la présence de métabolites[2] secondaires appartenant à différentes familles de molécules : acides gras, terpènes, alcaloïdes et polyphénols. Leurs teneurs sont bien plus élevées dans le duramen[3] des espèces des régions tropicales que celui des espèces tempérées.

Les polyphénols intéressent particulièrement les chercheurs. Très représentés dans le règne végétal (plus de 8 000 composés répertoriés), ils jouent un rôle lors de la croissance cellulaire, de la coloration des fleurs, de la fabrication des racines, de la germination des graines ou lors de la maturation des fruits. Leur structure chimique leur donne aussi la capacité de participer à la prévention du vieillissement cellulaire, des maladies cardiovasculaires ou dégénératives, de l’ostéoporose, du cancer, de l’arthrite, du diabète de type II… S’ils peuvent être toxiques à haute dose, leurs activités antioxydante, antifongique et de chélateur[4] de métaux permettent de trouver des applications dans des domaines divers comme l’agroalimentaire, la phytopharmaceutique ou la cosmétique.

Angélique sur pied par G.Rolland-ONF

La durabilité d’une essence usuelle comme l’Angélique est très variable d’un arbre à un autre ce qui peut poser problème dans le développement d’une nouvelle chaine de valorisation des connexes de scierie, qui est l’ambition du projet de recherche européen ValorExtr@ct à terme. La qualité de la sciure sera liée à sa teneur en phénols qui a elle-même un impact[5] sur l’activité anti-oxydante de l’extrait. Des méthodes de prédiction rapides de la qualité de sciures d’Angélique, ont été évaluées au cours d’un stage[6] de Master de biologie végétale.

Mises au point à partir de sciures d’Angélique collectées d’arbres différents et provenant de diverses scieries (Cacao, Kourou, Macouria, Dégrad des Cannes), ces méthodes utilisent la capacité d’absorption des polyphénols dans certaines longueurs d’onde (Proche Infra-Rouge).

L’absorption des sciures a été mesurée préalablement à la préparation des extraits pour en déterminer la teneur en polyphénols et l’activité antioxydante associée. L’ensemble de ces données a permis de construire des modèles de prédiction de la teneur en polyphénols et l’activité antioxydante par une mesure de l’absorption dans le proche-infrarouge directement sur la sciure.

Cet appareil (spectromètre dans le Proche Infra-Rouge) permettra de distinguer rapidement les arbres à haut potentiel en passant l’échantillon de sciure à la lecture et comparaison au modèle de prédiction

Méthode simple, rapide et peu couteuse, cette étape est indispensable pour proposer aux scieries ou aux structures collectrices de ces connexes, un outil rapide pour évaluer la qualité des sciures en vue d’une valorisation optimale sur la base de leur richesse en polyphénols. Une excellente façon donc d’évaluer la qualité de cette ressource destinée à des secteurs à haute valeur ajoutée (cosmétique, fragance…..).


[1] Qui détruisent le bois

[2] Molécules de petite taille fabriquées par la plante elle-même

[3] Cœur du bois ou la partie centrale en opposition à l’aubier

[4] Le métal (potentiellement toxique) est comme « enrobé » par le polyphénol ce qui l’empêche d’affecter la plante.

[5] Mis en évidence dans la thèse de Claudiane Flora, 2018

[6] Stage de Gaël Margerie réalisé à l’université Claude Bernard Lyon1 de janvier à juin 2019

Illustration : Poudre d’Angélique. ValorExtr@ct 2020