Wanted !

Couvre-feu sanitaire, fermetures d’école, confinement… des mesures extrêmes que certaines communes de Guyane connaissent depuis bien plus longtemps que la pandémie Covid. Le responsable n’est pas un virus exotique, mais un… papillon bien de chez nous : Hylesia metabus (Saturniidae).

Suspect n°1

La femelle du papillon cendre, sa ponte recouverte de poils urticants et leur grossissement au microscope électronique à balayage
La femelle du papillon cendre, sa ponte recouverte de poils urticants et leur grossissement au microscope électronique à balayage.

Petit papillon de nuit brun, terne et d’apparence discrète, le Papillon Cendre, femelle (!), possède des poils urticants sur l’abdomen qui servent à protéger ses œufs. Ces poils sont facilement libérés dans l’air lors de son envol. Au contact de la peau, ils sont responsables de réactions allergiques plus ou moins importantes. Dans certains cas extrêmes, ils peuvent même provoquer des irritations oculaires et/ou respiratoires.

Il y a 3 à 4 éclosions de papillons par an. Certaines années cependant, sans explication connue encore, les papillons cendres vont véritablement pulluler. Attirés par l’éclairage artificiel des zones urbaines, ils vont alors constituer un réel problème de santé publique dans quelques communes le long de la RN1.

Des papillons cendre, mâles et femelles, attirés par la lumière dans un carbet.
Des papillons cendre, mâles et femelles, attirés par la lumière dans un carbet.

Afin d’éviter d’attirer les papillons, les communes affectées se voient ainsi régulièrement plongées dans l’obscurité à la tombée de la nuit et les habitants doivent se calfeutrer dans leurs domiciles. Lorsqu’il est très abondant, ce papillon peut perturber la vie et les évènements sociaux et entrainer la fermeture des commerces et des écoles !

Les autres moyens mis en œuvre pour contrer le fléau, tels que l’épandage d’insecticides et la destruction des mangroves, peuvent être lourds de conséquences écologiques et sanitaires voire ponctuels et insuffisants, tels que l’utilisation de pièges avec bassin de rétention.

Après plusieurs travaux qui n’ont pas apporté les réponses pour assurer durablement la tranquillité de Sinnamary et Iracoubo notamment, une étude d’ampleur a été lancée il y a quelques mois. Des chercheurs du CNRS rouvrent le « cold case » et reprennent l’enquête avec un œil nouveau.

Nouveaux enquêteurs, nouvelles méthodes

Chenilles de metabus L4-L5. Crédit photo J.P. Champenois.
Chenilles de metabus L4-L5. Crédit photo J.P. Champenois.

Météo, plantes, prédateurs des chenilles ou des adultes… sur le littoral ou en forêt, plus ou moins proche de centres urbains, l’habitat des papillons est caractérisé en détail.

Les connaissances, retour d’expérience et attentes des populations des communes les plus touchées sont recueillis pour mieux connaître les épidémies passées, s’assurer de ne négliger aucune piste d’investigation.

Le projet de recherche multidisciplinaire lancé en 2020 a été grandement impacté et retardé par la pandémie COVID-19. Les premiers résultats ont néanmoins pu être présentés, en décembre dernier, à la mairie de Sinnamary. D’autres restitutions et partages de résultats seront programmés au gré des avancées et des opportunités.

Appel à témoins

Marques laissées par les prédateurs sur des fausses chenilles.
Marques laissées par les prédateurs sur des fausses chenilles. Crédit photo LEEISA

Pour que l’enquête aboutisse et surtout avant la prochaine grosse pullulation, les scientifiques sollicitent l’aide massif de la population.

Il s’agit dans un premier temps de faire la liste des arbres qui se trouvent dans les jardins publics ou privés, les lotissements, les quartiers, d’en calculer la taille et de signaler éventuellement la présence sur ces derniers des suspects : papillons et/ou chenilles.

Outre l’habitat des insectes, les chercheurs s’intéressent également à leurs prédateurs. En effet, si des oiseaux se nourrissent de chenilles, cela peut expliquer l’absence de prolifération de ces dernières. Les appâts à construire et les expériences faciles à mettre en place sont détaillées sur le site Internet dédié https://papillonite.cnrs.fr/.

Les résultats de l’enquête seront publiés au fur et à mesure de ses avancées et permettront peut-être de résoudre une fois pour toute le mystère de la papillonite !


Photo de couverture : H. metabus, mâle à gauche et femelle à droite ; crédit photo : J.-P. Champenois.

Le projet Hylesia, coordonné par l’Unité Mixte de Recherche Laboratoire Ecologie, Evolution, Interactions des Systèmes amazoniens (UMR LEEISA) et porté par le CNRS Guyane, bénéficie d’un financement MITI CNRS ainsi que d’une assistance du labex CEBA.