Cohabiter avec un littoral changeant

Les habitants du littoral le savent bien, qu’ils soient à Rémire, à Awala, à Kourou (https://com-au-carre.fr/2017/05/le-sable-se-fait-la-malle/)… il est délicat en Guyane de vivre trop proche de la mer. La mairie de la ville spatiale est engagée dans une stratégie de gestion de son littoral. Au-delà de l’expertise technique et scientifique sur les phénomènes et les moyens de se protéger, la ville a fait appel à l’Agence d’Urbanisme de Guyane (AUDeG) pour mener une enquête auprès des riverains.

De mars à mai 2018, les riverains de la pointe des Roches au centre équestre à l’Ouest (zone la plus proche du littoral, identifiée comme la plus à risque) ont été interrogés. Il s’agissait d’identifier le type d’occupation (résidentiel ou professionnel), de relever leurs représentations du littoral, d’identifier leurs usages de cet espace. Un volet sondait aussi sur les conditions d’un possible déplacement si les mesures de protection ne suffisaient pas.

Long de plusieurs kilomètres, la bande littoral a été sectorisée en plusieurs zones : la pointe des Roches (située sur l’estuaire et comprenant un ensemble hôtel et locations de longue durée), la plage des roches (prisée pour des activités de baignade et de promenade), les villas de fonction des Roches, la plage Pim-poum avec sa base nautique, la plage de la cocoteraie, le front de mer ou quartier des 205 (groupement d’habitats collectifs et individuels), ainsi que le village amérindien et le quartier de l’Anse (tissu urbain dense) particulièrement menacés par l’érosion de la plage.

Sur les 321 constructions, 80 % d’entre elles constituent des logements ou à usage mixte (entreprise et logement), 5 sont à usage d’entreprises uniquement et 9 sont des services publics (dont 2 églises, 2 vestiges historiques et un autel). La répartition location/propriété très en faveur de la location (61%), la répartition logement privé/social, les matériaux des bâtis (béton, toiture palme, bois ou tôle) ainsi le type de sous-sol (roche ou sable) sont renseignés.  

Les principaux usages et pratiques du littoral sont la promenade (41%) avant la plage ou baignade (25%), le sport (17%) et la pêche (10%). 7% des habitants interrogés ne fréquenteraient jamais le littoral pour deux raisons principales : l’absence de nettoyage et d’entretien de la plage et le fait qu’ils trouvent l’océan trop dangereux. Si la majorité de la population est attachée au littoral, 71% des personnes interrogées seraient prêtes à déménager si aucune solution de protection n’était à terme efficace.

La connaissance que les riverains ont des phénomènes côtiers a été sondée  et 63% ne connaissent pas grand-chose. Naturellement plus on est installé récemment et moins on en sait sur les phénomènes et la forte proportion de locataires avec un turn-over de la population n’améliore pas ces chiffres. Les mouvements d’augmentation du volume de certaines parties de la plage (accrétion) sont entièrement absents des propos des riverains alors même qu’ils sont souvent concomitants avec les phénomènes d’érosion. Seul un habitué a identifié des mouvements « d’engraissage » et de « dégraissage » de la plage ainsi que la plus grande fréquence des périodes de fortes houles qui intéressent particulièrement les chercheurs (https://com-au-carre.fr/2017/10/objet-flottant-identifie-au-large-de-cayenne/) et les hautes vagues qui peuvent amener à la submersion (https://com-au-carre.fr/2020/07/retour-sur-un-coup-de-mer/ ).

Quelques enquêtés parlent aussi des enrochements et des autres dispositifs de stabilisation de plage installés à Kourou avec moins de succès que ceux placés plus récemment à Rémire (https://com-au-carre.fr/2018/08/intrigants-boudins-de-sable-a-remire/ et https://com-au-carre.fr/2019/11/alors-efficaces/).

La mémoire collective des évènements est confuse et risque de se perdre complètement si des évènements venaient à s’espacer dans le temps. Conscient de ces enjeux la mairie de Kourou a associé les riverains tout au long de l’élaboration de la stratégie, jusqu’à la présentation finale des résultats en octobre 2019 et du choix retenu pour le devenir du littoral kouroucien.

Illustration : Le littoral de Kourou. AUDeG, 2018

Stratégie de gestion du littoral de Kourou : Enquête auprès des riverains et enjeux AUDeG (Décembre 2019)