Plage de Montjoly en 2019

Délit de faciès ?

Quand il est question de recherche et de Guyane, c’est souvent la forêt qui vient à l’esprit en premier. Et effectivement, de nombreux chercheurs étudient notre formidable forêt amazonienne sous toutes les coutures.

« Recherche en Guyane » évoque rarement le littoral ! Délit de faciès ? Et pourtant !

Sous influence de l’Amazone, notre littoral est très particulier. Importants transports de sédiments, installation et disparition cyclique de la mangrove, instabilité des plages sableuses ou encore turbidité élevée des eaux côtières… tous ces phénomènes contraignent les écosystèmes et communautés associées à développer des stratégies souvent originales pour y exister. Les communautés humaines ne font pas exception. Elles sont même régulièrement impactées par l’instabilité littorale à laquelle s’ajoutent de nouvelles perturbations engendrées par le changement climatique.

Les particularités de notre littoral interrogent de nombreux chercheurs : écologues, géographes, sédimentologues, biogéochimistes, mais aussi économistes de l’environnement, de la pêche, physiciens, ou sociologues… Ces spécialistes se sont organisés. Les problématiques sur lesquelles ils travaillent étant intimement liées, s’unir permet d’échanger de façon privilégiée, d’avoir accès en priorité aux résultats des uns et des autres, de réfléchir autrement et de sécuriser d’importants financements. Le Groupement de Recherche Littoraux de Guyane sous influence Amazonienne, le GDR LiGA, a ainsi été créé en janvier 2014. Il rassemble plus de 100 chercheurs à l’échelle nationale, du CNRS, de différentes universités dont celle de Guyane, de l’IRD, de l’IFREMER, de l’INRAE du BRGM, etc. Mais c’est en s’ouvrant sur les autres acteurs du littoral – organismes d’Etat, associations, élus, gestionnaires de l’environnement- que le GDR est rapidement devenu un acteur reconnu et incontournable dans le domaine des questions littorales en Guyane.

Pendant ses quatre premières années d’existence, le GDR LiGA a ainsi permis de faire un formidable bon en avant dans la compréhension du littoral.

Il apparait par exemple que les surfaces de mangrove fluctuent à l’échelle régionale et sur plusieurs décennies et que l’un des moteurs est le climat océanique au travers de puissantes vagues liées aux phases d’Oscillation Nord Atlantique (thèse de R. Walker). Des avancées ont été apportées pour identifier et quantifier le stockage de carbone par les mangroves : les palétuviers vieux de 30 ans et d’une hauteur de 50 m sont des candidats particulièrement intéressants. Le rôle des communautés de microorganismes enchevêtrées au fond de l’eau dans la stabilisation de la vase avant l’implantation des mangroves et les effets positifs du déplacement et de l’aération des sédiments, par les actions de fouissage des crabes, pour stimuler la croissance des jeunes palétuviers, sont des données qui intéressent particulièrement voisins proches et lointains pour la mise en place de stratégies de gestion et conservation des mangroves (thèse d’A. Aschenbroich). L’observation du déplacement de groupes de tortues Luth vers des habitats similaires, le « mur » du Golf Stream, dans l’Atlantique Nord a permis de mettre en évidence la première synchronisation jamais observée chez cette espèce (thèse de P. Chambault). Des travaux sur la contamination par le mercure d’oiseaux marins, de cétacés et de tortues marines ont rendu possibles des comparaisons avec d’autres zones (Seychelles, Spitzberg, TAAF). Des études particulièrement novatrices ont été menées sur les perceptions de l’instabilité côtière par les populations du littoral ainsi que sur la vulnérabilité aux contaminants organiques et à une hypothétique contamination pétrolière. Enfin le fonctionnement hydrologique des estuaires, particulièrement mal connu en Guyane, a fait l’objet de projets novateurs dont deux thèses (thèses de S. Orseau et de Noelia Abascal).

Les quatre premières années d’existence du GDR LiGA ce sont 43 projets de recherche, 10 thèses soutenues, 7 en cours, 14 stages M2, 4 post-doc, 45 communications, 9 chapitres de livre et 48 articles scientifiques.

Les connaissances acquises ont été partagées en Guyane et dans le monde entier, avec des experts techniques ou scientifiques ainsi qu’avec le grand public, au cours de séminaires et ateliers, congrès, conférences, dans plusieurs documentaires tv et articles de presse… ou de blog.

En 2018, fort de cette dynamique, le groupement de recherche a été renouvelé et s’est réorganisé au vu du bilan réalisé. Six axes en découlent notamment : un axe sur la vulnérabilité aux changements environnementaux combinant des approches en sciences sociales et sciences de l’environnement ; un autre sur l’écotoxicologie, la dynamique des contaminants et les risques en santé humaine, un troisième spécifique au stockage de carbone par les mangroves, un autre sur les dynamiques et flux sédimentaires en domaine littoral et estuarien, un axe s’intéresse aussi à la biodiversité et à son rôle dans le fonctionnement des écosystèmes, enfin le dernier axe s’intéresse à évaluer les services écosystémiques apportés par les écosystèmes littoraux

Autant de raisons donc pour que « recherche en Guyane » évoque bel et bien le littoral !-


Pour en savoir plus sur le GDR LiGA, visitez https://ligagdr.wordpress.com/