Impression écran de la vidéo du phénomène de submersion marine qui a eu lieu le 28 octobre 2019 (Crédit photo : Marie d'Awala-Yalimapo)

Retour sur un coup de mer

« Awala-Yalimapo les pieds dans l’eau » titrait France Guyane fin octobre dernier. En effet, un épisode de grandes marées, le deuxième de l’année[1], touchait durement la commune alors que le littoral était relativement épargné à Kourou et intégralement à Cayenne. Dans le cadre de l’observatoire de la dynamique côtière de Guyane, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) se rendait sur place pour faire un état des lieux et proposer des recommandations pour gérer la situation.

Longue de 800 m, la plage des Hattes est située dans l’estuaire du fleuve Maroni, en interaction directe avec lui. C’est ce qu’on appelle une plage estuarienne. Fin 2019, un banc de vase est positionné à l’est de la plage en partie colonisé par la mangrove. Sur la partie ouest, au niveau de l’embouchure, un banc de sable émergé à marée basse est présent.

La plage des Hattes en 2001 puis en 2015 : le parfait exemple du dynamisme de notre littoral.*
Position du banc de vase et du banc de sable le 27 octobre 2019.*

Lors des évènements du 28 octobre, c’est une marée de vives-eaux (mesurée par le marégraphe situé face à Kourou) couplée avec une forte houle (mesurée par l’houlographe installé au large de Cayenne) qui a entraîné des niveaux d’eau élevés engendrant des phénomènes de submersion marine et d’érosion.

Outre les photos et vidéos réalisées par les habitants du bourg, les levés topographiques et de la position du trait de côte ont permis de quantifier ce qui s’est passé.

Entre la pointe Vigie et le front du banc de vase, le secteur « embouchure » a été le plus impacté, en particulier la partie centrale située au niveau de la plage sableuse. La mer a inondé la zone jusqu’à 80 m dans les terres entrainant le départ massif de végétation, de sable[2] et l’apparition de talus d’érosion de 30 à 50 cm de hauteur !

Le secteur « envasé », entre le front du banc de vase et la mangrove, a connu à l’inverse une arrivée massive de sable. Ce phénomène, se rapprochant d’un phénomène de rotation de plage, est bien connu sur les anses mais n’avait encore jamais été observé sur les plages estuariennes.

Pour caractériser les évolutions, trois secteurs ont été distingués.*

Protégé à la fois par la vase et la mangrove, le dernier secteur dit « mangrove » le plus à l’est de la plage n’a pas bougé.

Pour éviter que la commune ne connaisse des dégâts aggravant la situation lors de prochains épisodes de forte marée et de forte houle, il a été recommandé à très court terme d’utiliser des techniques douces non-fixantes tels que :

  • combler avec le sable de la plage les parties basses face au centre du bourg par lesquelles la mer s’est engouffrée
  • stabiliser le cordon sableux avec de la végétation et/ou des dispositifs ensablants type ganivelles[3], brises-vent en fibre de coco ;
  • canaliser le passage des personnes pour éviter le piétinement et donc l’affaissement du cordon sableux ce qui favorise les entrées d’eau.

À moyen terme, après une étude de faisabilité et d’impact, un rechargement en sable originaire du dragage du chenal d’accès au port de l’ouest du Maroni ou d’une autre source pourrait être envisagé.

Un suivi haute fréquence de la plage des Hattes est en tous cas vivement recommandé.  Il permettra de mieux connaitre son évolution et les contributions de chaque paramètre pour affiner la stratégie de gestion à long terme.-


[1] En mars 2019

[2] Un prochain levé drone permettra d’établir un Modèle Numérique de Terrain afin d’estimer précisément les volumes de déplacement sableux.

[3] Clôture formée par l’assemblage de lattes de bois verticales.

*La vue aérienne de la plage est une impression écran de la vidéo du phénomène de submersion marine qui a eu lieu le 28 octobre 2019 (Crédit photo : Marie d’Awala-Yalimapo). Les autres illustrations sont tirées du rapport d’expertise BRGM/RP-69426-FR de novembre 2019.