Audrey Sagne souriante sur le terrain

La geek qui aimait les champignons !

Ah bon ? Y’a des champignons en Guyane ? Comestibles ? Hallucinogènes ?

Audrey Sagne, bioinformaticienne et passionnée de champignons, répond patiemment aux questions, toujours les mêmes, qu’on lui pose : « Bien sûr qu’il y a des champignons en Guyane ! » ; « Même si les communautés autochtones n’ont pas eu l’habitude d’en manger, certains champignons peuvent être consommés » ; « Oui, il y a des champignons hallucinogènes mais nous n’avons pas de connaissances encore dans ce domaine en Guyane ».

Et quand on la lance sur son sujet préféré, la jolie jeune femme est intarissable et passionnante : les champignons sont un règne à part, ni animal, ni végétal. Ils sont plus proches du règne animal que du règne végétal. Ce que l’on voit souvent des champignons n’est en quelque sorte que la partie émergée de l’iceberg : la plus grande partie du champignon, le mycélium, est souterraine. Le plus grand champignon du monde, aux États-Unis, s’étalerait sur 600 hectares et aurait plus de 700 ans !

Audrey explique aussi que ses collègues de l’unité mixte de recherche EcoFoG et elles ont pour mission de décrire la biodiversité de ces champignons de Guyane. Sur les quelques 50 000 espèces qui existeraient sur le territoire, « seules » 625 sont effectivement connues !

EquipeFeminineChampignons
L’équipe féminine « Champignons » en phase de prélèvement

L’identification des champignons ne se fait plus à l’œil nu. Audrey n’est capable de distinguer qu’une dizaine de genres. Il existe bien des scientifiques spécialisés en identification visuelle, mais aujourd’hui c’est l’ADN qui permet d’identifier une espèce. Des échantillons de terre vont être prélevés en forêt ou dans les savanes. Les prélèvements seront traités en laboratoire, le matériel génétique qu’ils contiennent, isolé. Et c’est là qu’Audrey entre en jeu : son travail va consister à réattribuer la « soupe » de séquences génétiques qu’on lui sert à des espèces de champignons.[1]

Ainsi patiemment, la jeune femme et ses collègues mettent en place une base de données sur les champignons de Guyane. Depuis novembre 2017, dans le cadre du projet BiNG[2], Audrey est également responsable de l’acquisition des données génétiques sur les fourmis.

Celle qui, après un bac S à Félix Éboué à Cayenne, a obtenu une licence de biochimie et biologie moléculaire puis un Master Bioinformatique à Toulouse est consciente de l’importance de transmettre ses connaissances aux plus jeunes. Elle a commencé cette semaine avec les écoliers de Saül, dans le cadre de la fête de la nature, en partenariat avec le Parc Amazonien de Guyane. Sous sa houlette, les enfants ont pu prélever des échantillons, faire des observations au microscope et les comparer aux clefs d’identification qu’Audrey leur avait fournies. Gageons que l’expérience créera des vocations pour étudier la biodiversité négligée du Pays !

[1] C’est le même travail que réalise le geek chez les virologistes.
[2] Deux des objectifs principaux de ce projet sont la mise à disposition des bases de données (taxonomiques, moléculaires, photos) et le retour vers le grand public. Le projet BiNG, porté par le CNRS pour l’UMR ECoFog, est cofinancé par l’Union Européenne et le CNES. L’Europe s’engage en Guyane avec les fonds européens de développement régional.

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